Ce texte a été écrit par Soeur Marie -Françoise en 1984 après 10 années de travail et d'action pour faire revivre Léoncel. Elle raconte içi ce qu'elle a trouvé en ce lieu, ce qui l'a décidé à rester et les progressives transformations.
A l'issue de ce texte vous pourrez continuer en lisant : Léoncel que j'aime qui trace le bilan des vingt années qui suivirent
Voici dix ans que Léoncel vit
,autour de son abbaye un renouveau ecclésial
et culturel en même temps que la restauration de son abbatiale et un accueil dans les anciens
bâtiments monastiques.
Voici dix ans que les "Amis de Léoncel"'accomplissent un travail
soutenu qui
pour n'être pas toujours visible est apprécié des visiteurs : ceux de toujours qui viennent et
reviennent ,ceux qui s'arrêtent par hasard comme
les fervents de la "Halte de Prière".
Beaucoup, de questions me sont posées:"Quelle est la communauté qui
réside
à Léoncel? " "Vous êtes donc seule?"-"Y a-t-il un prêtre?"-Depuis
quand ?, comment a commencé ce renouveau?"" " Ah!? il y a une association?"
...Je vais répondre. En m'excusant d'employer le "Je "dans une première
partie.,
vous allez comprendre pourquoi.
A l'origine......
Au début...
J'étais au "Clos Saint Dominique" à Buis-les-Baronies pendant l'hiver
1973-1974. Dominicaine depuis 1942,dans une communauté vouée à la vie
contemplative et à l'étude des sciences religieuses, j'avais été
envoyée en fondation près de Paris d' abord, puis à Beyrouth.
Ensuite, sans l'aide de ma communauté, j'avais assumé la mise en route de
trois maisons: à Chalais en Chartreuse,
à Peyruis dans les Alpes-de-Haute-Provence ,à Bully dans le Rhône en
accord avec les diocèses concernés. Je venais de quitter Bully
dans des conditions éprouvantes, et j'étais au repos....
En recherche...
C'est au cours d'une conversation avec le Père Gineys , alors curé du
Buis, que je fus amenée à lui expliquer , à travers ces étapes
un cheminement de fait vers des ministères de responsabilité pastorale.
J' étais maintenant disponible, sans lien canonique ave, ma communauté,
contre mon gré
d'ailleurs, mais rattachée directement au Maître Général de
l'Ordre à titre personnel.
Il me conseilla d'aller voir l'Évêque de Valence.
Je demandais donc un
rendez-vous à Mgr de Cambourg, qui par retour du courrier me répondait:
"Venez".
Au cours de la conversation une première perspective fût envisagée :
celle de m'installer dans la ZUP de Valence; de proposer un groupe de prière
qui pourrait devenir le noyau d'une communauté d'Église: il n'y avait rien
encore...
Mais l'Évêque s'interrompit et me dit en substance:"Dans le diocèse nous avons une superbe abbatiale
romane. Je n'y suis allé, qu'une fois.... J'aimerai qu'elle redevienne un haut-lieu de prière.
Elle est desservie par un prêtre qui vient de 25 km.".
Il s'interrompit à nouveau et n'en
dit pas plus ajoutant seulement:"Il faut que j'en parle à mon conseil".
Il promit de m'écrire
aussitôt.
Le même soir j'allais chez Hélène Péronnet, à
Valence. Je la connaissais pour des raisons familiales et elle était venue me voir à
Bully au "Clos Notre Dame de Cana" .Nous nous demandions quelle pouvait
être cette église non désignée à laquelle Mgr de Cambourg. avait fait
allusion...,quand Hélène s'écria: "Mais c'est Léoncel !"
Bien que dauphinoise, ce nom ne me disait rien.
Depuis 1942 ma vie, religieuse m'avait éloignée de la région
et je ne la connaissais que peu; j'avais pourtant de la famille à Romans.
Hélène alla à sa bibliothèque et m'en rapporte toute heureuse dans la collection "Les Églises de France le volume consacré au
sud-est.
Elle me montra la première image de Léoncel: :une photo,
une brève description, des repères historiques; j'étais saisie :"Est-ce là
que le Seigneur m'a, donné rendez-vous?"...
Je rentrais à Buis.
La réponse de l'Évêque ne se fit pas attendre;
Hélène avait deviné juste !
Je pouvais aller voir Léoncel et
devais ensuite rendre compte.
Une mèche fumait encore ...
Par une Semaine Sainte pluvieuse et glacée je montais à Léoncel avec trois
amis, en séjour avec moi à Buis. L'un d'eux était un noir du
Bénin et avait épousé une amie de Touraine . Grand chrétien,
plein d'intuition, Basile, c'est son nom ,fut pour beaucoup dans ma, décision.
En effet le premier choc fût très négatif.
Nous étions entrés dans une église ouverte à tout vent,
comme sans vie, couverte de mousse, aux murs, un mobilier vétuste sauf
des bancs neufs toutefois.
A l'aller, je m'étais arrêtée chez le Père Vial à
Beaufort-sur-Gervanne; je savais qu'il desservait avec dévouement et
régularité, depuis plus de vingt ans les petites communautés éparpillées dans ce Vercors dépeuplé.
Le Père n'avait pas été prévenu par Mgr de
Cambourg de cette simple visite exploratoire.
Il en restera longtemps impatienté
:" Mais il n'y a rien à faire là-haut !... J'y suffis !.. .C'est un pays horrible...
L'hiver est affreux !... Vous n'y tiendrez pas...!" et il me découragea sans ménagement !
Ainsi en sortant de l'Église mon découragement et ma perplexité étaient
grands :rien ne m'invitait à poursuivre....
J'étais prête à le dire à Mgr de Cambourg. Surtout l'absence du Saint
Sacrement faisait que je ne me sentais pas attendue là , du Seigneur.
Un
bouquet desséché sur la tombe du Père Ménabé mort de froid en allant porter
les sacrements à un mourant, dans une zone éloignée de sa paroisse, où la burle le saisît;un
autre devant la statue de
Saint- Ennemond ,patron de la paroisse cependant me firent signe ...une mèche
fumait encore.
Je devais découvrir par la suite le solide enracinement chrétien de cette minuscule communauté
longtemps isolée en hiver, pendant quatre mois de neige.
Glacés d'un froid humides nous quittions l'église ,prenions quelques
photos,
sous la pluie !..quand à mon grand étonnement notre ami noir me dit
avec une sorte
de gravité que je ne lui connaissais pas:"Il faut que vous disiez oui..
Vous
avez rendez-vous ici avec le Seigneur !"
Il fut le premier ami de Léoncel....
Nous allions nous réchauffer d'un café à l'hôtel en face
et
faisions connaissance avec la famille Bodin, dont l'amitié secourable ne se
démentirait jamais.
J'y appris non sans étonnement qu'il y avait un maire et qu'il habitait à
côté.
J'allais donc le voir avant de repartir.
Mi-amusé , mi-bourru
André Bouchet me dit: "Mais qu'est-ce que vous voulez venir faire ici ? Le Père Vîal
suffit
bien pour la centaine de paroissiens de Léoncel et de La Vacherie. Il n'y
a rien pour vous loger !"...
Mais voilà: Marguerite Bouchet son
épouse suivait à coté la conversation... et elle intervint: "-Mais
il y a nos gîtes;la soeur
pourrait y loger ...".
En effet courageusement la commune venait d'investir
pour réparer la vieille abbaye qui comme l'église était propriété
communale et en faire des "gîtes ruraux".
La Mairie y était installée , jadis le presbytère et jusqu'à l'année précédente l' école
.
Il fallait trouver des occupants pour les gîtes... ce qui était encore
incertain.
Or j'étais au moins une occupante assurée.
Nous avons traversé,
en direction du vieux bâtiment délabré à l'extérieur La cour était peu
engageante encombrée de pierraille et autres broussailles...
Aussitôt et par contraste opéra la séduction des belles arcatures
XII e siècle récemment retrouvées, noyées jusqu'alors dans la
maçonnerie.
Madame Bouchet me montra un gîte au rez-de-chaussée . Il n'avait pas
encore été occupé. Le sol brillait d'humidité mais il était propre et
suffisamment équipé .
Alors je pris ma décision:je ferais un essai
d'un mois d'abord dès
que je serais libérée en juin. Les mois de juillet et août n'étaient
pas disponibles. Éventuellement je demandais le prix à l'année:je ne paierai
que les quatre mois d'été ,car la commune ne pensait pas louer davantage
les autres gîtes. Après l'accueil si peu engageant j' appréciais cette
offre, tandis que Madame Bouchet était satisfaite:la maison serait habitée
et entretenue....
Je promis une réponse
rapide après celle de l'Évêque.
Par la suite le diocèse assumera
ma location.
Je serais donc seule...
Je rentrais à Buis et informais Mgr de Cambourg. Puis Hélène m'hébergea encore
quelque temps, celui de régler la situation d'une compagne qu'il m'était
impossible d'emmener à Léoncel pour des raisons de santé...je serais
donc seule.
Mgr. de Cambourg et moi-même convenions d'un essai d'un an ...et c'est la veille de la
Pentecôte 1974 que je m'installais pour un mois d'abord.
Le lundi avait lieu la fête traditionnelle de Saint Ennemond, patron de la paroisse et la bénédiction du
sel. Malgré la précarité de mon installation, je passais le
jour et les deux nuits à mettre L'Église en état ,laver du linge d'autel;
les ornements étaient en piteux état :les souris et l'humidité avaient fait leur
oeuvre....
Mais les champs étaient d'immenses tapis de fleurs :je fis de grands
bouquets "cache-misère" pour inaugurer en fête ce nouveau ministère que
venait de me confier le diocèse.
Je devais essayer de faire de Léoncel un lieu de
prière, d'accueil, de culture offert aux visiteurs, un service, une "diaconie"ce terme ne désignant aucune réalité institutionnelle, mais "de fait"
était disponible. Je devais aussi, au gré du Père Vial et des
paroissiens apporter
une animation paroissiale.
Or ce ministère commençait par une épreuve:les prêtres venus pour la
fête m'ignorèrent complètement car le Père Vial n'avait rien
dit et ils se demandaient ce que je faisais là. Je ne me laissais pas
abattre mais je prenais déjà la mesure du climat psychologique
dans lequel j'allais devoir me faire accepter ...
A vrai dire je soupçonne Mgr. de Cambourg d'avoir
estimé que je ne résisterais pas longtemps à une région réputée
hostile à plus d'un égard et il ne s'engageait pas trop.
Mais tout
changea pour mois ce lundi de Pentecôte au soir, quand je demandais et obtenais
du Père Vial qu'il laissât le Saint Sacrement:le tabernacle était cassé et
non entretenu depuis sans doute longtemps....Je commençais à assurer l'Office
monastique interrompu depuis longtemps lui aussi.
Une grande paix et sécurité s'installèrent
alors en moi définitivement.
En juin, je commençais à nettoyer, arranger, décorer l'église,
à défricher les
abords ,à accueillir les visiteurs car la nouvelle de l'installation d'une
religieuse s'était vite répandue ,
à proposer une "Halte de Prière"aussi : le nouveau visage de Léoncel s'esquissait
.
Avec joie les paroissiens habituels apprenaient des chants
nouveaux les lecture étaient assurées. Je faisais des visites et découvrais
peu à peuples familles avec lesquelles allaient se nouer des amitiés
solides parfois réservées ,comme on l'est souvent en montagne. Je prenais le rythme
nouveau auquel m'appelait désormais cette église comme une partenaire de
vie.
Tout le monde s'y mis...
Absente en juillet-août mon installation définitive eût lieu le premier
septembre.
Je faisais alors venir l'important mobilier ,les équipements,
que des amis de Bully avaient entreposés dans leurs dépendances.
Ce qui devait me permettre, assez vite ensuite d'organiser un accueil d'abord précaire
au rez-de-chaussée non restauré du cloître sauf l'ancienne salle
de classe.
Sans rien me demander la mairie me le mettait à ma disposition.
La présence et l'animation de l'église intéressèrent le Parc du
Vercors. Cela
se traduisit par une aide importante pour restaurer ces locaux délabrés.
On fit un sol en briques ,des installations sanitaires, une cuisine, des cloisons
,de l'électricité ... Un accueil de vingt lits devint possible, et de quarante personnes dans
la journée.
Par la suite, j'ai réinvesti dans cet accueil,
tout ce qu'il rapportait.
Aujourd'hui, avec les gîtes ,un accueil de
quarante personnes, pour une semaine est fréquent. Priorité est
donnée à ceux. qui viennent pour des motifs d'ordre spirituel et
culturel. Mais les randonneurs,
les scolaires ,les groupes du troisième âge ,les handicapés y
sont souvent hébergés.
Depuis trois ans chaque année environ vingt milles personnes sont accueillie
soit à l'église ,soit par la diaconie....
Mais revenons à cet automne74...
Peu à peu et pendant ces dix
ans tous les "espaces" de l'église furent
débarrassés au maximum, compte tenu des désirs des familles
.Tout ce oui restait d'ancien et présentant quelque intérêt, fût restauré,
remis en service: le Christ, les stalles, les deux grands porte cierges , la
chaire ;le lutrin du
XVI e siècle le sera plus tard.
Le
linge, les ornements les vases sacrés furent
renouvelés.
Les familles se partagèrent les chandeliers pour les nettoyer
de
leur vert de gris et les faire briller!..
L'église devint fleurie en permanence:des éclairages mettant en valeur ce qui était intéressant furent installés à partir d'une installation vétuste.
En 1983 à ma demande la. commune
a fait refaire entièrement cette installation d'une façon remarquable.
Les "Amis de Léoncel" eux firent ouvrir deux fenêtres du choeur pour permettre
l'assainissement de l'édifice. Plus tard , ils feront enlever les ferrailles
qui défiguraient les piliers en particulier.
Aidée d'un voisin et de "Gustave", un brave homme de Léoncel
que j'embauchais grâce à une subvention des "Amis" et d'un matériel
acquis par eux , les abords furent entretenus et fleuris. On avait jeté
là. pendant des dizaines d'années ,toutes sortes de ferrailles et de
débris etc..
Des jeunes, des scouts, des personnes en séjour dans les gîtes... ... tout le monde. s'y
mit. Une oblate bénédictine de Peyrus, Madame Clément, vint faire des
permanences dans l'église les visiteur en se faisant de plus en plus nombreux
et questionneurs et la "Halte de prières" fréquentée.
C'est alors
qu'avec l'aide de Paul Sauvajon et l'apport important d'un premier ensemble de
diapositives ainsi que d'un médecin ami de Valence nous réalisions le premier montage
audio-visuel: il fut un succès extraordinaire.
Tout ce qu'on ne put remettre en état assez vite, fût mis en réserve.
Malheureusement au désespoir de beaucoup de visiteurs on ne put encore enlever
les autels de stuc ou de marbre et rétablir un autel de pierre cistercien.
J'acquis ce qui restait de la brochure éditée par le Père Fulachier
grand ami de Léoncel. C'était alors le seul document à proposer
aux visiteurs. Elle rendit grands services.
Deux années de suite, avec ses
élèves de l'école St Maurice de Romans monta le 24 juin un remarquable
"son et lumière" en 18 tableaux. Il évoquait avec verve et
fidélité la vie de l'Abbaye pendant 640 ans.
Quand les " Amis de Léoncel" entrent en scène...
J'allais aux Archives, je prenais contact avec la Commission d'Art Sacré qui ne tarda
pas à monter, la Société de Sauvegarde des monuments anciens de la
Drôme, l'Abbaye d'Aiguebelle...
De nombreux drômois familiers de longue date de Léoncel,
ne tardèrent pas à monter et à m'encourager.
Mais j'appris
que beaucoup d'objets anciens avaient été volés, d'autres emportés,
sans consultation de la Mairie pour être placés dans le futur musée
d'Art Sacré de Mours ( à côté de Romans). Il faut se féliciter qu'ainsi
certains
objets au moins aient été sauvés du vol ou d'une détérioration
inéluctable. Mais on peut souhaiter qu'un jour ils puissent revenir en leur
lieu d'origine quand les conditions de conservation et de sécurité seront réalisées.
Le Père Escoffier en avait photographié certains disparus depuis.
Les Amis de Léoncel entrent en scène...
Je les ai déjà nommés, sans parler de l'origine de l'Association.
Voici donc.
Je gardais contact avec Mgr de Cambourg,.Je voyais aussi Hélène Péronnet. A l'un comme à l'autre je disais les bons débuts, les
espoirs ,les projets, mais aussi le poids de la. tâche culturelle imposée par les
nécessités d'une restauration à envisager si on voulait répondre aux
appels des faits, ainsi que par l'accueil des visiteurs et pèlerins .Je n'avais pas
imaginé pareille affluence. Et j'étais seule en permanence malgré
les aides épisodiques. Je craignais que ma, tâche pastorale première
n'en fut compromise : j'étais là pour un ministère proprement
religieux, fondé sur les valeurs de ma vocation et profession
dominicaine.
Je commençais dès lors à songer à une association de chrétiens actifs et de personnes motivées
par le patrimoine culturel et Mgr de Cambourg m'y encouragea vivement.
J'en parlais à Hélène Péronnet aussi par ses responsabilités dans les
Bibliothèques pour Tous, elle connaissait bien les Valentinois. Elle pensa tout de
suite à Charles et Lucienne Sauvajon.
Elle les invitait pour que nous nous
rencontrions. Je leur exposais la situation ,mes perspectives, les besoins,
les atouts ,les freins....
Nul, plus que Charles Sauvajon n'était mieux place
pour atteindre et mobiliser des personnalités susceptibles de former une
association jumelée avec la diaconie ...
et nulle plus que Lucienne Sauvajon
ne connaissait mieux le tissu diocésain.
Ils trouvèrent très vite
une équipe enthousiaste et efficace.
D'abord Maître Claude Bady, notaire, elle allait
mener rondement la rédaction des statuts et la constitution d'un dossier
en sorte que
dès novembre 1974 une "Association des Amis de Léoncel pour la restauration
et l'animation de l'Abbaye de Léoncel" était constituée et publiée
au Journal Officiel. Elle était domiciliée à la Mairie de Léoncel.
On constitua un bureau avec les amis des premiers jours Claude Bady fut la
première présidente. Charles Sauvajon et Marguerite Bouchet vice-présidents;
Monsieur Ermisse l 'éminent archiviste de la Dr8me entra dans le bureau et
rendit de grands services auprès des administrations culturelles; Monsieur
Lefort se chargea de la trésorerie; Hélène Péronnet et Lucienne
Sauvajon
du secrétariat dont la tâche s'avéra plus lourde qu'on pouvait le prévoir.
Charles Sauvajon assuma les relations avec le département, les Bâtiments
de
France ,les associations culturelles et très vite avec des imprimeurs car
l'Association allait publier régulièrement des documents brefs
pour l'information des visiteurs .Rien ne découragea l'active patience de Charles
Sauvajon :ni les lettres attendant longtemps leur réponses, ni les téléphones répétés,
ni les visites, ni les démarches:années de patience que sont
venus couronner des chantiers qui sans doute seront suivis désormais jusqu'à
la fin de la
restauration.
Le Père André Blanc a représenté le diocèse. Je fais partie du bureau sans qualification
particulière. Mais
les familles de Léoncel restèrent indifférentes malgré les informations
que je donnais, les invitations aux concerts, les documents remis régulièrement à
chacune. Les raisons en sont difficiles à identifier. Le sentiment entre
autres que l'église était là, elle y serait toujours. On restaurait les bâtiments:c'était
bien mais c'était l'affaire des Monuments Historiques qui devaient
payer....cela coûtait cher à la commune... et aucune occasion d'explication
officielle ne fût possible :Des erreurs s'installèrent dans les esprits... le
désintérêt avec...
Claude Bady surchargée professionnellement démissionna. et devint présidente
d'honneur. Le bureau se modifia. Gérard Ermisse quitta la Dr8me tandis
que Joëlle Tardieu y apportait sa jeunesse enthousiaste et ses compétences.
Nous lui devons une bibliographie très complète de Léoncel. .Monsieur Moreau et Monsieur Granet apportèrent leur fidélité et leurs conseils actifs.
Monsieur Colomb sa passion efficace pour l'archéologie drômoise. En sorte
qu'un bureau étoffé, tout au long de ces dix années put décider de
plusieurs publications :documents pour la visite, carte-postales, posters,
diapositives,
livrets "Voir Léoncel"; proposer chaque année plusieurs
concerts de grande qualité avec le concours de l'Orchestre de Chambre"Jean-François
Paillard, la Chorale "A Coeur Joie",Les Choeurs de Valence ", "Résonnance ",
"Cantabile" etc... prendre place enfin dans le tissu culturel de
la région. Mais aussi prendre part aux travaux de l'église, par l'ouverture
de deux fenêtres latérales de l'abside et l'enlèvement des ferrailles qui
dénaturaient les
piliers et les murs; l'assainissement de l'atmosphère et le coup d'oeil
dès l'entrée en furent très améliorés.
Claude Bady avait été remplacée à la présidence par
Charles Sauvajon qui en assumait certaines fonctions. Avec une inlassable
ténacité, il allait venir à bout de biens des inerties et rendre
l'Association présente à la vie culturelle régionale. Le bureau décida alors
d'assurer des permanences d'accueil en les prenant en charge pendant deux mois
l'été. Ce que les visiteurs surtout étrangers apprécient fort. A deux
reprises auparavant, CASA avait assuré ces visites, mais faute d'équipes cette
intéressante association avait du renoncer aux sites moins importants en nombre
de visiteurs.
La difficile absence de statut des femmes...
Ainsi d'année en année
,avec de faibles, ressources, mais Foi et ténacité, une
réalité vivante s' enracinait. Certes les problèmes ne manquèrent
pas et certains demeurent. L'ajustement entre partenaires présents à Léoncel
ne se fait que peu à peu, chacun ayant son optique: une commune de montagne,
une très petite paroisse, une diaconie, le Parc du Vercors, les monuments
Historiques, des foyers de ski de fond, des gîtes ruraux, les Amis de Léoncel.
Il faut souhaiter pour l'avenir une bonne coordination car dans la
conjoncture locale globale aucun ne peut l'améliorer sans l'autre. Des
occasions d'y réfléchir ensemble devront être suscitées par delà les
intérêts particuliers.
Par ailleurs à la suite de son terrible accident de voiture Mgr de Cambourg a créé une longue vacance
...Survenu juste après
qu'il m'avait écrit pour me proposer d'étudier un mode de reconnaissance officielle de mon
ministère .Son absence allait laisser la question en suspens ... Mgr Marchand
depuis m'a renouvelé sa confiance mais en l'état actuel des études et recherches dans
l'Église, les évêques n'ont aucun statut ministériel à proposer à des
femmes
et celles qui exercent un ministère de fait n'ont encore formulé aucune
proposition satisfaisant à la multiplicité des situations, à la variété
des
ministères, exercés parfois depuis des dizaines d'années.
Quelques rares "Institutions" ou "nominations" ne sauraient tenir lieu de statut
réel en sorte
que de très nombreuses femmes exercent, sans identité ecclésiale,
ni secours
institutionnels, des fonctions de responsabilité et souvent de créativités
dans l'annonce de la Foi, l'animation de la prière publique, et le partage
de l' Eucharistie.
Temps forts...
A Léoncel cependant, des temps forts de célébrations religieuses mobilisèrent
beaucoup de monde. Parmi elles, celle de la célébration du quinzième centenaire de Saint
Benoît.
Le Père Jean de la Croix, un ami fidèle des débuts
qui était venu à deux reprises avec des frères étudiants
d'Aiguebelle me proposa de venir célébrer avec le Père Abbé
et une importante délégation de Pères ce centenaire pour lequel l'Abbaye avait des permissions de
sortie,,
Et c'est après deux mois d'intense préparation seule sur
place, mais avec des des concours extérieurs comme celui de 1a mairie de Saint Jean en
Royans que Léoncel était prêt à recevoir pour une liturgie solennelle,
présidée par Mgr Marchand et le Père Abbé de nombreux prêtres et
religieuses et une affluence d'un millier de "pèlerins"
La fête fut fervente et joyeuse, favorisée
par un temps inespéré. Mgr Marchand rappela le sens toujours
actuel de la profession monastique et des voeux de religion. L'après-midi
Monsieur Bornecque professeur à la Faculté de Grenoble et le Père Jean de la
Croix prirent la parole sur des thèmes historiques. Des carrefours réunirent
des jeunes sur le sens de la vie monastique aujourd'hui. Le Père Bernard Nougier présenta
son très remarquable montage audio-visuel sur Léoncel réalisé
sur
deux ans, par de jeunes lyonnais. Proposé des milliers de fois depuis il suscite
toujours l'admiration des visiteurs ainsi introduits dans l'âme de l'Abbaye.
Un autre temps fort eut lieu le 16 août 1983.
Monsieur André Doyon de l'Académie
Delphinale érudit dauphinois, dont la famille avait possédé
jadis le domaine d'Ambel, ancienne "grange "de Léoncel, avait formé le projet de
faire
exécuter par un sculpteur, son voisin Monsieur Max Reynaud de Saint
Hilaire du Rosier, une statue en noyer de Saint Hugues troisième abbé de
Léoncel. Le sculpteur était allé à Aiguebelle et s'était inspiré du Père Jean
de la Croix.
Il exécuta en trois ans une importante sculpture puissante et où
l'âpreté médiévale et sa tendresse se conjuguent non sans
heurter à premier abord
certains visiteurs. Elle était prête à venir occuper sa place à l'accueil
de l'entrée de l'abbatiale que le saint avait fait achever et consacrer en 1188.
Par ailleurs, des liens d'amitié oecuméniques se sont noués avec
la communauté orthodoxe de Saint Jean en Royans et son atelier d'icônes "Saint
Jean Damascène". Depuis bien longtemps, la statue de la Vierge de Léoncel
avait disparu. Je désirais offrir à l'église une image de la
Mère de Dieu et des Saints de Léoncel sous le vocable de "Sainte Marie
de l'Église", sous
lequel j'avais placé la "diaconie" et la "communion", ainsi s'établissait
entre ceux qui venaient prier et échanger à Léoncel une foi oecuménique.
Ludmila et le Père Nicolas Garrigou l'ont conçue et achevé en trois
ans...
Statue et icône furent intronisées ce même 16 août 1983.
Beaucoup de paroissiens et d'amis sont venus. Bernard Jobin était là
:nous ne savions
pas encore qu'il allait bientôt prendre avec élan et dynamisme, la relève voulue par Charles Sauvajon.
Autour du Père Abbé d'Aiguebelle , du Père Jean de la Croix, du
Père Vial, du Père Pouchoulin, du Père Devaud qui dessert la paroisse pour
les grandes fêtes, du Père Rambaud de Saint Chamond, du Père Dominicus Dubois
et de nombreux amis eut lieu une journée de célébrations, d'échanges et
d'amitié...
Sur un parchemin offert par un ami, le Père Jean de la Croix
écrivit à l'encre de Chine une formule solennelle destinée à rappeler la
bénédiction de cette statue, aux temps lointains à venir...
Chacun signa cette
chartre qui fut introduite dans un tube d'étain, lui même placé dans le socle
de la statue. N'ayant plus de sceau de Léoncel, l'abbé d'Aiguebelle l'a
scellé de son propre sceau marquant ainsi les liens qui unissent l'Abbaye
bien vivante et celle qui attendait une nouvelle vitalité. Une délégation de
Chateauneuf d'Isère rappela le culte immémorial rendu par sa paroisse natale
à Saint Hugues tandis que la famille Rimaud, actuelle propriétaire de
Bonnevaux manifestait sa communion et remettait un petit opuscule sur la vie de
Saint Hugues.
Les espaces...
Le visage de l"Espace Église" de Léoncel se
précise
Un "espace accueil" à l'entrée, marquée par la statue de St Hugues. C'est là
que les amis de Léoncel placent documents, renseignements et guides en été.
Le produit de la vente de ces documents et des icônes exposées est affecté
à à l'aménagement intérieur et aux diverses restaurations de mobilier...
Environ 100.000 F. à ce jours ( en grande partie des dons faits à la diaconie,
ont pu être ainsi consacrés à rénover ce qui concerne le culte, à sauver
des objets anciens et à développer l'audio-visuel. De nombreux visiteurs et
amis ont fait don de belles diapositives, en sorte que 8 montages de 100
diapositives sont en service.
Un espace "réconciliation" est en cours d'aménagement auprès du
beau Christ de Léoncel. Menacé par la vétusté du bois et l'humidité il se
désagrège rapidement. Un fervent de Léoncel, excellent restaurateur de
meubles anciens avec l'autorisation de la commune, consacra un séjour de.."repos"...à
le restaurer, autant que l'état avancé de la vétusté le permettait .
Un "espace icône" est aménagé dans le transept gauche; des tapis de sizal viennet couvrir le sol des deux parties du transept. Les stalles anciennes en morceaux furent habilement restaurées par Monsieur Lesaffre de Gigors.
Un espace
"bible" commence à être proposé dans le transept droit. L'antique
lutrin reposant sur 4 lions et qui avait perdu son pupitre est en cours de
restauration. Sur un pupitre restitué à 4 faces la bible sera présentée en
Hébreu, Grec, Latin, Français. Une belle bible ancienne de Lemaistre de Sancy,
don d'une fervente habituée de la "Halte de prière" y prendra place.
des lectures bibliques sont proposées chaque après-midi après Pâques
L'"espace
Eucharistie" a été aménagée derrière l'autel à gradins dans l'antique
abside où est conservé une belle stèle, d'origine incertaine et non encore
identifiée.
Un tabernacle, conforme aux normes de vénération et de sécurité remplacera le beau tronc de chêne qui depuis Bully abrite
l'Eucharistie. Lors des
débuts à Chalais, une amie Madame Marcelle Auclair et une discrète
martiniquaise me firent don d'un très beau calice et d'un ciboire, oeuvre du
grand orfèvre Puiforcat. Ils sont venus prendre leur service à Léoncel.
Dans le choeur, sous la coupole, les deux grands portes-cierges datant sans doute de la fondation de la paroisse en 1854 furent restaurés. Le Père Vial avait du reprendre la "male" qu'on lui avait prêté pour servir d'autel. Je la remplaçais par celle que j'avais apporté de Bully, dans l'attente encore incertaine de la restitution d'un autel en pierre cistercien. On ne peut toucher aux trois autels de 1910 dons de familles qui y tiennent.
Enfin, la partie haute de la nef a été aménagée en "espace assemblée".La très belle chaire en noyer a été restaurée. Elle serait sortie d'un atelier d'ébénisterie dauphinois, la famille Roybon qui pendant 6 générations a exécuté des mobiliers d'Église en particulier caractérisé par la finesse des sculptures et le noyer de la région de Grenoble. Elle a été restaurée par Monsieur Berthou. etdésormais posée au sol elle fait office d'ambon et a repris son service liturgique.
Dix ans déjà...
Ainsi, en 10 ans, chantiers et restaurations se sont succédés...
Sans l'action
persévérante des Amis de Léoncel et de la diaconie, la belle abbatiale se
serait endormie au fond de son vallon humide.
Parfois les visiteurs auraient poussé sa porte entr'ouverte... et se seraient
émus de sa verte beauté...
Aujourd'hui ils sont
accueillis... informés... accompagnés à leur gré. La diaconie a engagé la paroisse vers les mutations nécessaires.
L'Office monastique quotidien est assuré et proposé à ceux qui le désirent.
Des permanences fréquentes sont assurées.
Des séjours sont possibles, individuels... ou en groupes.
Dix ans n'est pas l'heure
d'un bilan pour une oeuvre de longue haleine, mais celle d'une pause pour
regarder comme nous venons de le faire le chemin parcouru...
mais aussi et surtout celui
qui reste désormais à parcourir...
Pause pour reprendre haleine et renouveler nos
motivations au gré de l'expérience.
Après une phase de restauration des lieux, et d'aménagement de l'accueil,
l'effort devra se porter sur l'action culturelle pour l'Association des Amis de
Léoncel, de manière à aller dans le sens dans le sens de la préservation et
de la mise en valeur du patrimoine de nature et d'art
cistercien en liaison avec ceux qui y oeuvrent déjà.
Quand à la diaconie, elle devra assurer à l'avenir un ministère encore informel, mais qui ces 10 dernières années n'a cessé de se préciser et de se développer. Des contacts ont été pris; d'autres le seront, en vue de l'installation d'une petite communauté mixte permanente qui puisse assurer des tâches ecclésiales de plus en plus pressantes. Il faudra pour cela surmonter encore bien des difficultés.
Ainsi à Léoncel se sont
noués au gré des requêtes diverses, une diaconie ecclésiale, une association
culturelle, une communion oecuménique...
Puissent les dix ans qui viennent les associer toujours plus efficacement dans une volonté convergente de service et
d'amitié !
Léoncel 1er Avril 1984 en la fête de St Hugues
Soeur Marie-Françoise Giraud