Outre les dons l'essor rapide de Léoncel semble lié à la coexistence de plusieurs activités tant sur place que distantes de l'abbaye elle même .
 Plusieurs "granges" ( fermes) furent installées sur les plateaux alentours et dans les hautes vallées proches et même une sur place en face de l'abbatiale ( la grand Grange  qui est toujours là de l'autre côté de la route) mais aussi à Combe chaude, Valfanjouse ,Charchauve., Momont, la Chomate, la Vacherie...puis plus tard dans la plaine : Le Cognier, La Voupe, La Part-Dieu, St Martin d'Almenc 

 

Carte indiquant les principales granges de Léoncel

Grange de Valfanjouse de nos jours



Les moines se mirent bien entendu à exploiter les forêts :celles de l'Epenet ou de Musan, et ils acquirent sur la plaine de Valence et de Romans de bonnes terres de culture pour les pâturages d'hivers.
Ils  obtinrent par donations plusieurs domaines autour du Cognier à côté de Valence, de la Voupe entre Alixan et Chatuzangue et de la Part Dieu dans la plaine de Roman où  vivait une communauté d'ermites. une laure. Un vignoble fut même planté vers Beaufort sur Gervanne et le haut Diois avec construction d'un cellier à St Julien de même que du côté de Peyrus

 

La grange de la Part-Dieu aujourd'hui



C'est à la Part-Dieu  qu'ils établirent leur base arrière , véritable deuxième abbaye d'hivers, où les troupeaux et les moines redescendaient pendant les mois de mauvaise saison ne laissant que quelques frères sur place en altitude.

Une chartre donne l'exemple du mode de vie originale que menait alors la communauté de Léoncel, toujours en déplacements et ne venant résider à côté de l'Abbatiale que de la fête de Pâques jusqu'à la St André (30 novembre) et ne laissant  sur place que 4 ou 6 moines pour entretenir le service de Dieu durant les mois d'hivers, les autres redescendant dans la plaine avec les troupeaux.

C'est de l'élevage de la culture mais aussi de la forêt  que les moines tiraient leurs ressources ce qui ne manqua pas d' entraîner quelques conflits avec les Frères et Pères Chartreux voisins...
Ces derniers s'étaient installés dans le Val Sainte Marie un peu au dessus de St Martin le Colonel et à côté de Bouvante sept ans après l'arrivée des cisterciens à Léoncel, en 1149 donc.
Comme les deux communautés défrichaient, exploitaient toutes les deux la forêt et utilisaient de vastes étendues pour leur troupeau il s'ensuivit quelques heurts de voisinage....et d'intérêts.

Le bois était alors  indispensable pour les constructions y compris celle des bateaux, un bois nécessaire aussi à l'obtention de charbon (charbon de bois) ce qui était plus particulièrement important pour les chartreux  qui étaient de grands sidérurgistes... le  bois de chauffage restait indispensable aux deux communautés en ces régions humides et froides...et pour la cuisine... sans oublier la litière utilisée pour la nourriture hivernales du bétail.

La chartreuse du Val Sainte Marie près de Bouvante

 

L'animal lui, que ce soit boeuf , cheval ou mulet fournissait d'abord l'énergie nécessaire aux déplacements, transports ou levages et une partie de la nourriture , moins la viande que les produits laitiers 
Les moines de Léoncel fondirent la Vacherie ( qui porte bien son nom) et une chêvrerie encore visible en ruine sur la route qui mène de l'abbayeà St Jean en Royans, après le vieux moulin.
Les bovins fournissaient le cuir pour les chaussures, les courroies, l'harnachement des chevaux...les parchemins (velin);..et le fumier !

Les moutons donnaient la laine avec laquelle on fabriquait un drap grossier et les vêtements des moines :robe, capuchon, gants et mitaines, haut et bas de chausse...mais aussi des peaux pour les parchemins ( 200 moutons pour un seul livre environ).Aussi les troupeaux étaient consiidérables , on parle de 20000 têtes à la Part Dieu !
Les religieux possédaient aussi quelques porcs, une basse cour nécessaire pour les oeufs mais aussi les plumes nécessaires à l'écriture des livres !... des ruches, des élevages de vers à soie...un élevage de poisson ( en face de l'abbatiale)...et peut-être même un haras.

Pour les cultures ont trouvait surtout des céréales ( blé, avoine ,seigle, orge)...et bien sûr du fourrage...
plus bas en plaine on cultivait aussi bien sûr des céréales mais aussi des légumes, du chanvre et des arbres fruitiers ( chataîgners, amandiers, noyers)...de la vigne et  des mûrier pour les vers à soie.

Cette carte indique les principaux types d'exploitation : en jaune les cultures et pâturages de plaine, en vert les zones d'exploitation forestière, et en bleu les principales pâtures d'été

 

Entre 1142 et 1250 l'abbaye fit l'objet de 11 bulles pontificales lui accordant la protection apostolique, confirmant ses possessions etc...
L'Empereur d'Allemagne Frédéric Barberousse lui même revenant de la croisade et passant à Valence lui accordera sa protection

Enluminure de l'époque représentant l'empereur Frédéric Barberousse

 

Dès 1137 les moines installèrent leur monastère sur un terre plein artificiel à l'extrémité du marais  et légèrement au dessus du ruisseau... Cette construction fut à coup sûr la préoccupation majeure de la communauté et dura jusqu'à la fin du XIIème siècle. Les matériaux étaient extraits soit de la carrière des Limouches ( calcaire urgonien massif  extrait d'une carrière encore visible sur la route du col du même nom) soit du "tuf" de Peyrus ou de Tourniol  matériau plus "léger" qui fut utilisé pour les parties "hautes" de l'abbatiale : sommet des murs, haut de coupole, clocher etc...

Ce n'est en effet que le 11 mai 1188  que l'Église abbatiale  fût achevée et consacrée en présence de l'évêque de Valence, de celui de Die, de l'Abbé Guillaume et de Saint Hugues de Bonnevaux.  Dédiée à Marie et St Jean baptiste l' église commencée en 1150 ne sera achevé que vers 1210 la nef ayant été surélevée à partir de 1188 avec ses fenêtres "plein-cintre". 
L'abbaye compte alors 12 à 20 moines capitulaires et de très nombreux convers

Sceau de l'Abbaye avec ses armoiries tel qu'il est encore visible à droite en entrant dans l'Abbatiale
( il est écrit en latin: sceau de l'Abbaye de la B.(ienheureuse)M.(arie) de Léoncel de l'Ord.(re) de Citeaux "Una cum Ecclesia magna loquimur = comme un seul (ou d'un seul coeur) nous conversons avec la grande Eglise)

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